Les Dîners Celtiques : d’Ernest Renan au 3e millénaire
Relancé avec succès en 2007 par Ronan Le Flécher, le Dîner Celtique ne date pas d’hier. Voyage dans le temps.
C’est sous la présidence d’Ernest Renan qu’a lieu le premier Dîner Celtique le 18 juin 1879 au café d’Alençon en face de la gare Montparnasse. C’est alors l’un des quarantaine de dîners littéraires qui se sont multipliés à Paris à partir du second Empire. L’on y vient pour parler, chanter et déclamer des poésies, le plus souvent dans la bonne humeur. Ces banquets dont Narcisse Quellien, Paul Sébillot et Henri Gaidoz sont les fondateurs doivent leur notoriété à la présence et à la présidence d’Ernest Renan treize ans durant. « On mesure à travers Sébillot et Renan le jeu des réseaux de ces dîners, les inévitables tensions qui les traversent mais avant tout la part singulière qu’ils ont tenu dans l’activité culturelle bretonne à la fin du XIXe siècle », expose Jean Balcou, professeur émérite en littérature française, à l’UBO de Brest, lors du colloque international du 9 au 11 octobre 2008 à Fougères consacré à Paul Sébillot.
GENÈSE DES NOUVEAUX DÎNERS CELTIQUES
Ce colloque a notamment le mérite de tracer un pont entre ces rencontres de Bretons et de philologues celtisants chères à Ernest Renan et les Dîners Celtiques des années 2000. « En ce début de troisième millénaire, l’histoire des Dîners Celtiques continue de s’écrire, de Paris à la Bretagne », explique Ronan Le Flécher qui a l’idée un beau jour de février 2007 d’en ressusciter l’esprit, loin de toute structure associative ou politique. « Avec l’ambition d’en faire un rendez-vous utile à la Bretagne au travers de débats et de rencontres privilégiées entre acteurs de l’économie, de la culture, des médias ou du sport, élus ou personnalités engagées. » Cette initiative devait lui trotter dans la tête depuis un moment au vu des référence dès 2005 aux Dîners Celtiques dans des articles (armor, Blog Breizh).
L’aventure de ces nouveaux Dîners Celtiques débute à deux. À l’image de Narcisse Quellien au XIXe siècle, Ronan Le Flécher, consultant en communication originaire de Riec-sur-Bélon, joue le rôle de l’organisateur et apporte un soin tout particulier au rajeunissement et à la féminisation des convives (80 à 120 par dîner). Yannick Le Bourdonnec, Carhaisien devenu Breton de Paris y fait montre de ses talents de Monsieur Loyal lors de ces rendez-vous devenus très prisés. Le petit noyau d’amis du départ attablés autour d’Anne-Marie Idrac, alors présidente de la SNCF dans le salon Armorique du Novotel Montparnasse ne cesse de grossir. En trois ans, plus d’un demi millier de convives prennent place à la table du Dîner Celtique qui s’installe ensuite à deux pas des Champs de Mars à La Terrasse du 7e, au Café Fauchon place de la Madeleine, chez Le Divellec ou chez l’un de ses hôtes prestigieux. Chaque événement (le plus souvent dîner, mais aussi buffet ou cocktail) est construit autour d’un invité breton voire d’un thème. Vincent Bolloré, l’astronaute Jean-Loup Chrétien, Jean-Pierre Denis du CMB, l’éditeur Bernard Fixot, le député Marc Le Fur, le patron de la FNSEA Jean-Michel Lemétayer, Léna Louarn, le Gouverneur de la Banque de France Christian Noyer, Patrick Poivre d’Arvor, l’organisatrice du Women’s Forum Aude de Thuin sont quelques-uns de ces invités de marque qui prolongent l’esprit des Dîners Celtiques.
BREIZH POWER
À l’automne 2008, un grand dîner met à l’honneur la gastronomie bretonne et plusieurs de ses grands cuisiniers comme Olivier Bellin, Patrick Jeffroy et Jacques Le Divellec. Cette même année, le Dîner Celtique prend ses quartiers d’été au Festival Interceltique. À l’issue de la Grande Parade, une soixantaine de convives dont Alain Glon, président de l’Institut de Locarn, ou la romancière Irène Frain se retrouvent au Club K. « Les Dîners Celtiques doivent être ancrés sur le territoire breton. Ils ne doivent pas seulement concerner les Bretons de Paris », insiste Ronan Le Flécher, initiateur de cette sortie à Lorient.
La veille de la Breizh Touch, en septembre 2007, aux Champs-Élysées, une grande soirée sur la terrasse de Publicis où travaille alors Yannick Le Bourdonnec réunit quelque deux-cents invités, dont de nombreuses personnalités emblématiques de la Bretagne. Lors de cette réception intitulée Breizh Power, Michel Drucker remet un disque d’or à Alan Stivell. L’animateur fait état de ses souvenirs de notre région où il a grandi pendant la seconde guerre mondiale.
ÉVÉNEMENT MONDAIN ?
Le risque est réel de voir se transformer les Dîners Celtiques en un événement mondain sans âme qui leur donnerait des allures de Who’s who breton. Dans son édition du 17 décembre 2008, Le Figaro n’a-t-il pas évoqué « les très chics dîners celtiques qui n’ont pas d’égal » ? Aussi, la soirée organisée autour du débat sur l’inscription des langues régionales dans la Constitution française marque-t-elle un retour aux fondamentaux de l’initiative lancée par le tandem Le Flécher-Le Bourdonnec. Le choix de ce thème ou la mise en avant de la Loire-Atantique bretonne auront sans doute heurté les participants les plus tièdes ou conservateurs de l’assemblée. « Le Dîner Celtique doit rester un espace de débat sur fond d’affirmation et de quête d’un pouvoir breton », prévient Ronan Le Flécher. Au-delà de rassemblements ponctuels, il en va de la vivacité du lobbying breton et de la stratégie d’influence de notre région. Mais, les Dîners Celtiques aiguisent les appétits. Resteront-ils fidèles à l’esprit de ses fondateurs ?