26 octobre 2006 : soirée avec Bernadette Malgorn, Bretonne et grand serviteur de l'État
C’est une femme de caractère, une Bretonne à poigne et une représentante influente de l’État français qu’a accueillie PARIS BRETON à la mi-octobre. Bernadette Malgorn, parfois chahutée par l’assistance, a fait front. Droite dans ses bottes…
Choisie par Sarkozy
Novotel Paris-Gare Montparnasse, salle Armorique… ça ne s’invente pas ! Tailleur violet, chemise blanche, foulard noué autour du cou, Bernadette Malgorn s’adresse à une cinquantaine de personnes : des dirigeants d’entreprises dont Louis Le Duff, une dizaine de journalistes et d’élus, parmi lesquels Jean-Yves Cozan ou les parlementaires Christian Ménard et Philippe Goujon, des Bretons et des amis de la Bretagne. Des terres armoricaines où elle a sévi à la tête de la préfecture de région entre 2002 et 2006, mais qu’elle a quittées en août pour le poste de secrétaire générale du ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

Place Beauvau, elle occupe cette fonction administrative méconnue – mais non moins stratégique – qui lui vaut d’assurer la coordination transversale du ministère et de superviser notamment les mouvements préfectoraux. "Pourquoi ai-je été bombardée là ? Nicolas Sarkozy m’a donné cette consigne : faites-moi bouger tout ça", confia cette ancienne directrice de cabinet de Philippe Séguin.
Représentante de l’État
Cette soirée permit d’aborder le rôle de l’État en région, la fuite des jeunes diplômés bretons, la question foncière, les déséquilibres économiques internes ou la réalisation des infrastructures. Bernadette Malgorn rappela les échéances pour l’achèvement de la desserte TGV 2012/2013, et se déclara confiante dans la réalisation de l’aéroport de Notre-Dame des Landes. Elle se prononça pour le maintien de l’État dans les régions, seul moyen d’assurer une politique globale de développement : " La diversité même de la France justifie l’existence d’un administration territoriale de l’État. Cette administration a de longs siècles derrière elle ".

Elle intervint également pour préciser le rôle d’arbitre et de garant de la loi et de la démocratie du préfet en région. En tant que représentante de l’État, elle considère que la fonction préfectorale doit s’adapter aux contextes régionaux spécifiques, incitatrice pour certaines régions, modératrice pour d’autres : " En Lorraine, tous les matins, j’avais l’impression qu’il fallait soulever la région. En Bretagne, il fallait canaliser, car cela partait dans tous les sens ".
Un rôle de “punching ball”
Le fait d’être préfète de sa région d’origine lui a permis d’appréhender plus rapidement les enjeux. Aussi a-t’elle été soucieuse de " renverser une attitude parfois complaisante " vis-à-vis de la forte consommation d’alcool et de drogue par la jeunesse bretonne en particulier. Une lutte acharnée contre cette autodestruction volontaire, et un sujet controversé qui a entraîné des réactions violentes à l’égard de celle qu’un article du quotidien Le Monde avait surnommée “ la préfète de la rue de la soif ”. " Si j’ai joué le rôle de punching ball et que ça a servi à quelque chose, alors tant mieux, reprend-elle. Il faut veiller à que les cerveaux des jeunes ne se transforment en bouillie. La matière grise est l’atout principal de la Bretagne. Les combats d’aujourd’hui sont des combats de compétence. Il faut ramener à leur juste place les questions de découpage du territoire ".
La réunification de la Bretagne ? " Pas une priorité ! "
Sur la question de la réunification de la Bretagne, soulevée d’entrée par Patrick Mahé, Bernadette Malgorn s’est montrée peu convaincue et convaincante. Elle a souligné que le cadre administratif ne lui semblait pas constituer la première priorité : " Je trouve plutôt sympa sur le plan sentimental que le nord de la Loire Atlantique soit breton. Cette aspiration un peu nostalgique est un détournement de centres d’intérêt de ce qui est essentiel pour la Bretagne ". Aspire-t elle à un processus démocratique de consultation de la population ? On en doute à l’écouter s’abriter derrière la langue de bois et d’hypothétiques délibérations des collectivités territoriales : " Toutes les conditions ne sont pas réunies actuellement ". Et de poursuivre : " Si l’on raisonne en espaces économiques homogènes, s’étendre vers le sud n’a pas de sens pour la Bretagne ". Les réseaux de villes du grand ouest dont elle a fortement encouragé la constitution ont sa préférence. " Certaines solidarités économiques ne se tracent pas sur la carte ", plaide-t elle. Interpellée une fois encore sur un nouveau découpage régional par Jean Bothorel, Bernadette Malgorn se justifia ainsi : " Je me sens autant bretonne que vous ". Comment peut-on être bretonne et représentante de l’État français en Bretagne ? " Je n’ai jamais été schizophrène ", voulut-elle nous convaincre…